28 octobre 2009

VISSER vers ça --- topo


Peinture/écriture et vice versa... Narration-polaroïd sous forme de flashs poétiques signés Vera S.AK.é, d'après l'œuvre picturale abstraite et matiériste de Gérard Viart.

Interroger la part inconsciente inhérente au processus créatif ainsi qu'à la réception d'une œuvre d'art, privilégier l'émotion plutôt que la réflexion face à ces tableaux-pièges ô combien stimulants pour l'imagination...

Enfin, prolonger l'échange et proposer au visiteur de l'exposition d'écrire à son tour en suivant le parcours "page blanche" balisé de miroirs. Jeu de reflets, comme une sorte d'hommage au regardeur qui, indubitablement, fait exister l'œuvre.

CATalogue / RECueil (9 textes) toujours disponible.

VISSER vers ça --- expo/install.










27 octobre 2009

VISSER vers ça --- extrait



OH, BRENDA

Un bourbon on the rocks. Et mater dans le miroir le sketch qui me laisse de glace.
L’autre fait son numéro. Mieux vaut regarder son négatif, ça passe mieux.
Une certaine forme de distanciation s’impose.
Sur le tapis gagnant, des échasses et des volailles squaw éclatent de rire à intervalles désespérément réguliers. Des cancrelats courent sur la moquette.

Jouer noir. Puis noir. Puis rouge. Puis noir. Le serveur tient une hache et a l’air paniqué.

Mon verre se renverse un peu. Mauvaise inclinaison. Foutue gravité qui en fiche pas une.
Des gens se mettent à danser. Ils écrasent au passage quelques cafards.
Le téléviseur du bar diffuse Elephant Man. Les enfants sont fascinés.
Hé, remettez-ça s’il-vous plaît.
S’embourber. De toute façon…
Il y a des papillons qui tournicotent près des néons et ça me déconcentre.

Noir.

Brenda.
La fille se tortille au tube d’acier. C’est censé la rendre séduisante.
Devant cette gymnastique froide les routiers trinquent de plus belle.
Le serveur court partout avec ses maniques. Il ne sait plus qui a commandé du ragoût de mouton.
L’odeur est hyper-alléchante et du coup les gens se mettent à siffler du tonnerre la dinde sur scène, ce qui a pour effet de lui arracher quelques gesticulations XXL. Elle en est toute essoufflée, la pauvre. Pas l’habitude de distribuer du bonus, la Brenda.
Et là je me dis, si ça se trouve, dans quarante-cinq secondes elle va laisser tomber ses fesses sur le devant de la scène, enlever ses talons et sa perruque et nous révéler qu’en fait elle s’appelle Roger et que maintenant ça suffit, elle aimerait rentrer dormir chez sa mère et demain commencer une nouvelle vie, par exemple : sillonner la région avec son pick-up en vendant des pneus.

Mais les quarante-cinq secondes s’écroulent –euh s’écoulent-, et rien ne se passe.

Brenda-Roger enchaîne toujours les positions à haut pouvoir suggestif à une vitesse fulgurante. Les spots jouent sur sa peau en sueur et ça donne presque le tournis son truc transversal.
Encore un verre.

Rouge.

Le patron, qui est moustachu, est ravi. Sa face est toute congestionnée.
Les enfants –qu’on avait complètement oubliés- réclament des mignonnettes de jus de tomate et des pistolets.
Des femmes enfilent des perles en reluquant le cul du serveur.
La peau de Brenda-Roger est laiteuse et parsemée d’énormes grains de beauté. Curieusement ils sont bleus. A moins que ce soit à cause de la lumière… Des naevi bleu cobalt…
Les voiles parme derrière lesquels elle se cache et réapparaît apaisent tout le monde.
Et les papillons qu’est-ce qu’ils fabriquent : ils vont à sa rencontre et se posent sur ses épaules.
Les enfants jouent sur le parking, près des quatre gros camions.
Le serveur se fige.
Des ailes surgissent soudain sur le corps à moitié nu de Brenda-Roger.
Pleins phares.
Le serveur se pâme.
Des klaxons retentissent au loin.

Noir.

Et puis plus rien. Plus rien sur la scène. Plus rien du tout.


Tableau //// Gérard VIART
Texte //////// Vera S.AK.é

(Août 2007 – extrait du recueil Visser vers ça - Université d'Artois, février 2008
Texte protégé – tous droits réservés par Selina Aït Karroum)